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APOLOGIE
DU 20 DÉCEMBRE 2004 : "Chroniques d'un utilisateur de Téléphone"
C'était avant l'ère du
portable, et à cette époque Téléphone régnait en maître sur la scène
rock
française.
Dieu
que les types de ma génération l'avaient attendu ce groupe qui rockerait
en français ! En 1976, les grosses pointures style Johnny se
vautrent dans
la variété, et la vague des groupes rock seventies genre Triangle,
Zoo
ou Variations a échoué face à un business avide mais totalement
ignare, prêt à engranger mais sans jamais dépenser. Seul Ange
résiste,
mais leurs références les portent plus vers King Crimson et les
Moddy Blues que vers les Who et
Led Zep.
Puis arrive Téléphone, chef de file d'une
tribu de groupes rocks qui chantent en français, ce qui nous fait bien plaisir à nous, les
enfants du rock sevrés de sons américains et de chants anglo-saxons.
Little Bob Story existe déjà mais s'évertue à chanter à
tout
jamais en anglais, et si Bijou a publié
dès mars 77 son premier
album danse avec moi, sa carrière n'aura jamais l'éclat de Téléphone,
(par politesse et au risque de re-déclencher une guerre, je n'évoquerais
pas le cas Trust...).
S'en suit une série de chroniques qui témoigne de mon engouement pour
les télécommunications, le rock chanté en français et les concerts inoubliables
donnés par Jean Louis, Louis,
Richard et Corinne
auxquels j'ai eu le bonheur d'assister en 1977,
1979, 1981, 1982,
1983 et 1984.
-10 novembre 1977-
Depuis fin 1976, dans les cours de lycée, on parle de ce groupe qui a
sorti un premier 45 tours de rock chanté en français.
Hygiaphone
et Métro résonnent déjà dans les fêtes, et il ne faut pas réfléchir
longtemps pour sortir les 12 francs qui permettent de s'introduire, en jouant des
coudes, dans ce théâtre
municipal d'Antony. Cette foule de jeunes, c'est
du jamais vu, et depuis ce 10 novembre plus aucun concert de rock n'a été
organisé dans ce lieu conservateur.
Sur scène, deux jeunes guitaristes sauteurs, un
batteur se prenant pour Keith Moon (en ces temps là,
Richard
joue sur
une Gretch rouge), une fille à la basse, un répertoire issu de ce
premier album sortant quelques jours plus tard, et des reprises
bien senties pour étoffer le tout (rock 'n' roll, street fighting
man).
Bref un vrai concert rock et en français s'il vous plait !
On l'avait
notre groupe à nous, un truc vraiment énergique et pas en angliche , et
c'était Téléphone !
-18 août 1979-
Cet été là, je suis en vacances en Corse. En
camping, en mob, sans parents, et en plus Téléphone
passe dans la
ville voisine... Ce deuxième disque, je l'ai attendu, et je ne suis
vraiment pas déçu ! Crache
ton venin est sur toutes les lèvres.
Arrivé tôt sur le lieu du
concert, je me rappelle que Aubert
s'est
pointé seul, et que Richard
Kolinka n'en finit pas de se marrer... Au premier rang d'une salle un peu
pourrie, où se tassent 2500 fans, je reçois Jean
Louis sur le dos,
dans un bain de foule façon étuve. Que du bonheur, plus un orage
retentissant sur le chemin du retour !
Pour cette tournée, Richard joue sur une
Gretch blanche, avec le cadran
rond du téléphone sur la peau de grosse caisse et une descente de six
toms médiums. Régulièrement, il explose le tout à la fin du
concert... En Corse, cette année là, il ne s'en prive pas !
-17 février 1981-
Pour la tournée au cœur de la nuit, Kolinka
tape sur une Gretch noire
montée façon Stewart Copeland, le
batteur de Police. Quelques mois avant
l'arrivée de Mitterrand, Téléphone
est incontestablement le groupe français numéro un (et tant pis pour les
fans du Trust). Son troisième disque
cartonne, avec des titres toujours
plus rock, (argent trop cher riffe comme un titre de AC/DC), des
textes de mieux en mieux foutus et cet album reste à mon humble avis leur
meilleur enregistrement. Ce soir là, au Palais des Sports de la porte de
Versailles (la veille, ils étaient à l'Olympia), Jean
Louis est désormais solidement installé au centre de la scène,
et Téléphone casse la
baraque, emportant avec lui 6000 spectateurs conquis.
-18 février 1981-
Le lendemain et pour la troisième soirée consécutive à Paris, c'est au Palais des
Sports de Saint-Ouen que Téléphone conclut cette tournée mémorable.
Ce soir là, Téléphone œuvre dans
la catégorie haute énergie à la Clash,
et 8000
jeunes applaudissent mon groupe préféré, 8000 jeunes pour reprendre en chœur
ces hymnes à
une génération perdue, 8000 jeunes pour célébrer Téléphone.
Inoubliable, je le sais, j'y étais !
C'est probablement leur apothéose, et pendant ces shows, est
enregistré le double 45 tours Téléphone
en concert, aujourd'hui indispensable collector.
-14 juin
1982-
Dure limite est sorti courant juin, et comble de bonheur ce disque
est produit par Bob Ezrin, un de mes héros
producteurs au pedigree indiscutable, Alice
Cooper, Lou Reed,
Pink Floyd.
Téléphone passe à la vitesse internationale,
et sans avoir répété les nouveaux morceaux, accepte d'ouvrir
pour les Rolling Stones. Erreur, ils
ont oublié qu'ils passent après George
Thorogood et le J.Geils Band...
Ils semblent tous riquiqui sur cette immense scène, et s'ils se fendent
d'un connection connaisseur en hommage aux Stones,
les anti-Téléphone les trouvent ridicules !
-4
novembre 1982-
Dure
limite triomphe, et Téléphone
n'a pas perdu son âme de l'autre coté de l'Atlantique. Richard
Kolinka est revenu vivant d'une session chez le génial Alice
et Louis Bertignac
a retrouvé sa clavicule... Le groupe revient en force après avoir peaufiné
son show en banlieue sud. Les 4, 5 et 6 novembre, devant 21 000
personnes sous la toile suintante d'humidité de l'Hippodrome de Paris Téléphone
savoure sa revanche !!!
-6
novembre 1982-
Le concert est impeccable, le son ultra professionnel. Le rock en France
n'a plus à rougir devant la concurrence anglo-saxonne. Comme à chaque
tournée, tous les nouveaux morceaux sont interprétés, y compris le
chat, avec Corinne au chant, et le solo de trombone.
Louis raconte les
déboires de Cendrillon, et tout le monde chante à l'unisson.
-6
Decembre 1983-
Téléphone a pris l'habitude de roder ses spectacles dans des petites
salles de banlieue, en annonçant le concert au dernier moment pour éviter
l'émeute. Déjà lors de la tournée précédente, j'avais assisté à un
de leur concert surprise dans une MJC du coté de Corbeil, sans avoir conservé
le moindre souvenir de la date et du nom de la ville qui les avait accueillis ce soir
là. Je me souviens simplement que Yannick Noah
était présent et bien bourré. Grand pote des Téléphone,
il les suivait régulièrement au lieu d'aller s'entraîner, puisque à l'époque
il n'était pas encore une star de zouk-reggae-variété, mais plutôt
prince de la raquette.
Ce 6 décembre, le groupe joue à Massy au centre culturel Paul Bailliart
devant un public de fidèles qui ont appris la nouvelle dans la journée
et sont venus un peu au hasard, en espérant... Bien nous en a pris, le
groupe joue devant 400 personnes comme s'il s'agissait de leur dernier
concert alors que c'est juste la dernière répétition avant la tournée un
autre monde !
-14
octobre 1984-
Nouvel album, nouvelle tournée, apothéose finale, le groupe a de gros
moyens et notamment ce décor de scène constitué de panneaux lumineux à
l'image de la pochette. Richard
trône dans une niche sous un autre monde... Autre nouveauté, il
frappe sur une Tama en couleur, et groove sur une boite à rythme pour un electric
cité d'anthologie. D'ailleurs, les nouveaux morceaux annoncent les prochaines
couleurs d'une décennie sans Téléphone.
Jean Louis flirte déjà avec un son
plus funky (les prémices de plâtre et ciment), et Louis
revisite un rock de facture plus classique... Un certain nombre de
morceaux joués ce soir là se retrouve dans le live posthume
-9
novembre 1984-
Quand Aubert attaque j'avais un ami, je n'imagine pas
que c'est mon dernier concert de Téléphone. Perdu sous un dôme à Évry,
je m'éclate en reprenant le répertoire d'un groupe qui vient de m'accompagner
dans ma vie quotidienne, depuis bientôt dix ans. Merci Téléphone !!!
-7 Decembre 2004-
Post Scriptum désolant : la référence absolue du rock français méritait
mieux que ce double DVD qui sort pour les fêtes. Ce n'est pas
l'anthologie finale que j'attends toujours, mais plutôt un aimable résumé.
En effet on y retrouve 2 documentaires déjà connus (les années Téléphone,
et Téléphone public), les clips déjà publiés, et quelques scènes live (ils
auraient pu au moins balancer l'intégralité du concert de Lyon de
1985). Reste quelques curiosités qui confirment ce que rappelait Jean Louis Aubert, le téléphone est ce qu'il y a de
mieux et de pire dans notre société...
P.V.
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