Telephone 1976-86 DVD EMI 2004  

APOLOGIE DU 20 DÉCEMBRE 2004 : "Chroniques d'un utilisateur de Téléphone"

 C'était avant l'ère du portable, et à cette époque Téléphone régnait en maître sur la scène rock
française.

Dieu que les types de ma génération l'avaient attendu ce groupe qui rockerait en français !  En 1976, les grosses pointures style Johnny se vautrent dans la variété, et la vague des groupes rock seventies genre Triangle, Zoo ou Variations a échoué face à un business avide mais totalement ignare, prêt à engranger mais sans jamais dépenser. Seul Ange résiste, mais leurs références les portent plus vers King Crimson et les Moddy Blues que vers les Who et Led Zep
Puis arrive Téléphone, chef de file d'une tribu de groupes rocks qui chantent en français, ce qui nous fait bien plaisir à nous, les enfants du rock sevrés de sons américains et de chants anglo-saxons. Little Bob Story existe déjà mais s'évertue à chanter à tout jamais en anglais, et si Bijou a publié dès mars 77 son premier album danse avec moi, sa carrière n'aura jamais l'éclat de Téléphone, (par politesse et au risque de re-déclencher une guerre, je n'évoquerais pas le cas Trust...).

S'en suit une série de chroniques qui témoigne de mon engouement pour les télécommunications, le rock chanté en français et les concerts inoubliables donnés par Jean Louis, Louis, Richard et Corinne  auxquels j'ai eu le bonheur d'assister en
1977, 1979, 1981, 1982, 1983 et 1984.

-10 novembre 1977-
Depuis fin 1976, dans les cours de lycée, on parle de ce groupe qui a sorti un premier 45 tours de rock chanté en français. Hygiaphone et Métro résonnent déjà dans les fêtes, et il ne faut pas réfléchir longtemps pour sortir les 12 francs qui permettent de s'introduire, en jouant des coudes, dans ce théâtre municipal d'Antony. Cette foule de jeunes, c'est du jamais vu, et depuis ce 10 novembre plus aucun concert de rock n'a été organisé dans ce lieu conservateur. 
Sur scène, deux jeunes guitaristes sauteurs, un batteur se prenant pour Keith Moon (en ces temps là, Richard joue sur une Gretch rouge), une fille à la basse, un répertoire issu de ce premier album sortant quelques jours plus tard, et des reprises bien senties pour étoffer le tout (rock 'n' roll, street fighting man). Bref un vrai concert rock et en français s'il vous plait ! 
On l'avait notre groupe à nous, un truc vraiment énergique et pas en angliche , et c'était Téléphone !

-18 août 1979-
Cet été là, je suis en vacances en Corse. En camping, en mob, sans parents, et en plus Téléphone passe dans la ville voisine... Ce deuxième disque, je l'ai attendu, et  je ne suis
vraiment pas déçu ! Crache ton venin est sur toutes les lèvres. 
Arrivé tôt sur le lieu du concert, je me rappelle que Aubert s'est pointé seul, et que Richard Kolinka n'en finit pas de se marrer... Au premier rang d'une salle un peu pourrie, où se tassent 2500 fans, je reçois Jean Louis sur le dos, dans un bain de foule façon étuve. Que du bonheur, plus un orage retentissant sur le chemin du retour ! 
Pour cette tournée, Richard joue sur une Gretch blanche, avec le cadran rond du téléphone sur la peau de grosse caisse et une descente de six toms médiums. Régulièrement, il explose le tout à la fin du concert... En Corse, cette année là, il ne s'en prive pas !

-17 février 1981-
Pour la tournée au cœur de la nuit, Kolinka tape sur une Gretch noire montée façon Stewart Copeland, le batteur de Police. Quelques mois avant l'arrivée de Mitterrand, Téléphone est incontestablement le groupe français numéro un (et tant pis pour les fans du Trust). Son troisième disque cartonne, avec des titres toujours plus rock, (argent trop cher riffe comme un titre de AC/DC), des textes de mieux en mieux foutus et cet album reste à mon humble avis leur meilleur enregistrement. Ce soir là, au Palais des Sports de la porte de Versailles (la veille, ils étaient à l'Olympia), Jean Louis est désormais solidement installé au centre de la scène, et Téléphone casse la baraque, emportant avec lui 6000 spectateurs conquis.

-18 février 1981-
Le lendemain et pour la troisième soirée consécutive à Paris, c'est au Palais des Sports de Saint-Ouen que Téléphone conclut cette tournée mémorable. Ce soir là, Téléphone œuvre dans la catégorie haute énergie à la Clash, et 8000 jeunes applaudissent mon groupe préféré, 8000 jeunes pour reprendre en chœur ces hymnes à une génération perdue, 8000 jeunes pour célébrer Téléphone. Inoubliable, je le sais, j'y étais !
C'est probablement leur apothéose, et pendant ces shows, est enregistré le double 45 tours Téléphone en concert, aujourd'hui indispensable collector. 

-14 juin 1982-
Dure limite
est sorti courant juin, et comble de bonheur ce disque est produit par Bob Ezrin, un de mes héros producteurs au pedigree indiscutable, Alice Cooper, Lou Reed, Pink Floyd
Téléphone passe à la vitesse internationale, et sans avoir répété les nouveaux morceaux, accepte d'ouvrir pour les Rolling Stones. Erreur, ils ont oublié qu'ils passent après George Thorogood et le J.Geils Band... Ils semblent tous riquiqui sur cette immense scène, et s'ils se fendent d'un connection connaisseur en hommage aux Stones, les anti-Téléphone les trouvent ridicules !

-4 novembre 1982-
Dure limite triomphe, et Téléphone n'a pas perdu son âme de l'autre coté de l'Atlantique. Richard Kolinka est revenu vivant d'une session chez le génial Alice et Louis Bertignac a retrouvé sa clavicule... Le groupe revient en force après avoir peaufiné son show en banlieue sud. Les 4, 5 et 6 novembre, devant 21 000 personnes sous la toile suintante d'humidité de l'Hippodrome de Paris Téléphone savoure sa revanche !!!

-6 novembre 1982-
Le concert est impeccable, le son ultra professionnel. Le rock en France n'a plus à rougir devant la concurrence anglo-saxonne. Comme à chaque tournée, tous les nouveaux morceaux sont interprétés, y compris le chat, avec Corinne au chant, et le solo de trombone. Louis raconte les déboires de Cendrillon, et tout le monde chante à l'unisson. 

-6 Decembre 1983-
Téléphone a pris l'habitude de roder ses spectacles dans des petites salles de banlieue, en annonçant le concert au dernier moment pour éviter l'émeute. Déjà lors de la tournée précédente, j'avais assisté à un de leur concert surprise dans une MJC du coté de Corbeil, sans avoir conservé le moindre souvenir de la date et du nom de la ville qui les avait accueillis ce soir là. Je me souviens simplement que Yannick Noah était présent et bien bourré. Grand pote des Téléphone, il les suivait régulièrement au lieu d'aller s'entraîner, puisque à l'époque il n'était pas encore une star de zouk-reggae-variété, mais plutôt prince de la raquette. 
Ce 6 décembre, le groupe joue à Massy au centre culturel Paul Bailliart devant un public de fidèles qui ont appris la nouvelle dans la journée et sont venus un peu au hasard, en espérant... Bien nous en a pris, le groupe joue devant 400 personnes comme s'il s'agissait de leur dernier concert alors que c'est juste la dernière répétition avant la tournée un autre monde !

-14 octobre 1984-
Nouvel album, nouvelle tournée, apothéose finale, le groupe a de gros moyens et notamment ce décor de scène constitué de panneaux lumineux à l'image de la pochette. Richard trône dans une niche sous un autre monde... Autre nouveauté, il frappe sur une Tama en couleur, et groove sur une boite à rythme pour un electric cité d'anthologie. D'ailleurs, les nouveaux morceaux annoncent les prochaines couleurs d'une décennie sans Téléphone. Jean Louis flirte déjà avec un son plus funky (les prémices de plâtre et ciment), et Louis revisite un rock de facture plus classique... Un certain nombre de morceaux joués ce soir là se retrouve dans le live posthume

-9 novembre 1984-
Quand  Aubert attaque j'avais un ami, je n'imagine pas que c'est mon dernier concert de Téléphone. Perdu sous un dôme à Évry, je m'éclate en reprenant le répertoire d'un groupe qui vient de m'accompagner dans ma vie quotidienne, depuis bientôt dix ans. Merci Téléphone !!!

-7 Decembre 2004-
 Post Scriptum désolant : la référence absolue du rock français méritait mieux que ce double DVD qui sort pour les fêtes. Ce n'est pas l'anthologie finale que j'attends toujours, mais plutôt un aimable résumé. En effet on y retrouve 2 documentaires déjà connus (les années Téléphone, et Téléphone public), les clips déjà publiés, et quelques scènes live (ils auraient pu au moins balancer l'intégralité du concert de Lyon de 1985). Reste quelques curiosités qui confirment ce que rappelait Jean Louis Aubert, le téléphone est ce qu'il y a de mieux et de pire dans notre société...
 
P.V.

 

 


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